mardi 21 août 2012

Evènements du 15 août 2012 à Cocotier: Témoignage édifiant du Dr Alphonse Louma


Mon nom est Louma Eyougha Alphonse. J’ai 56 ans et je suis originaire d’Okondja, dans la province du Haut-Ogooué. Je suis Docteur en Pharmacie et je pense, sans fausse modestie, que je gagne honorablement ma vie. Par ailleurs je suis aussi, depuis plusieurs années, un acteur politique, et c’est à ce titre que je m’exprime.

Dr Alphonse LOUMA
Ancien militant, puis Vice-président du PGP (Parti gabonais du Progrès), j’ai eu le privilège, en mars-avril 1990, de participer à la Conférence nationale qui allait jeter les bases d’importantes réformes institutionnelles et politiques. Contrairement à d’autres, je suis de ceux qui considèrent que cette Conférence nationale a été très utile : elle a permis, entre autres, le retour au multipartisme. A l’occasion de cette catharsis générale, les Gabonais ont pu extérioriser leurs traumatismes et évacuer bien des rancœurs. Vingt-deux ans plus tard, où en sommes-nous ? La réponse à cette question est simple et le constat accablant : notre pays, en quelques années, a connu une terrible régression. Après avoir, plusieurs fois, tripatouillé la Constitution et liquidé une partie des acquis de la Conférence nationale, Omar Bongo est mort en 2009.

Pour lui succéder, Ali Bongo a dû perpétrer un double coup d’Etat électoral. D’abord au sein du PDG, pour arracher l’investiture du parti familial, puis devant la Nation entière lorsqu’avec la force armée et la complicité active de sa belle-mère Mborantsuo, il s’est imposé au pouvoir. Trois ans et plusieurs dizaines de morts plus tard, le Gabonais n’en peuvent plus. Assommés par une déferlante de calamités émergentes – vie chère, chômage, manque d’eau et d’électricité, dictature, mal-vivre social – , ils sont de plus en plus nombreux à être gagnés par la désespérance et la colère.

Aussi, face à la montée des périls en tout genre, des leaders politiques, syndicaux et de la Société civile proposent, comme solution à la grave crise que traverse notre pays, la tenue d’une Conférence nationale souveraine. A la différence de la Conférence nationale de 1990, celle de cette année donnera des orientations qui s’imposeront à tous. Elle sera l’acte fondateur de la 2ème République. Nous passerons enfin de la république monarchique Bongo/PDG à la République Gabonaise, et les Gabonais pourront ainsi récupérer leur pays vendu à des étrangers par « l’étranger-président » Ali.


Les Gabonais, dans leur immense majorité, sont habités par la haine et la révolte. Il nous faut solder le passé pour tracer les contours d'un avenir démocratique.

C’est la raison pour laquelle, au milieu d’autres Gabonais, j’ai tenu à prendre une part active au grand meeting de Cocotier qui devait avoir lieu le 15 août 2012. Déjà, la veille, avant de rentrer chez moi après mon travail je suis passé jeter un coup d'œil sur le lieu prévu pour le meeting. Je voulais m'assurer que tout se passait bien. La suite est connue de tout le monde. En plus de plusieurs dizaines de blessés et d’une quarantaine d’arrestations (officiellement), les forces armées d’Ali Bongo ont tué la jeune Elisabeth Nwanda. Ali Bongo, un père de famille qui fait tuer des enfants !

Je me demande quelle image lui renvoie sa glace le matin quand il se mire, en sachant que par sa faute, une Gabonaise de 22 ans est morte. Quoi que prétende le menteur pathologique Jean-François Ndongou, les gaz lacrymogènes utilisés par les brigades anti émeutes de la police et de la gendarmerie étaient très toxiques. Notre jeune compatriote qui EN a reçu en plein visage a donc été assassinée. Pour l'avoir inhalé, j'ai failli mourir le 15 août 2012. Ce jour-là, j’étais chargé de veiller au bon déroulement de la marche qui devait nous conduire à Cocotier : il fallait veiller à la sécurité pour éviter tout débordement et surtout s’assurer que nos militants et sympathisants ne répondraient pas aux provocations des pédégistes. Nous savions que le pouvoir avait infiltré des agents du B2, du CEDOC et de la DGR en civil parmi nous.

Quand la tête de la marche arrive à environ 300 mètres du rond-point de Nkembo, nous apercevons les premières brigades anti émeutes armées jusqu'aux dents. Sans sommation, ces policiers commencent à nous tirer dessus. Je reçois en plein visage de fortes quantités de ce gaz toxique. Je me mets aussitôt à tousser et à vomir. Je me vois mourir. Je suffoque. J’ai de la peine à respirer. Dans la panique, je me lave le visage avec de l’eau. Et là, c’est pire : mon visage est en feu ! Choqué, je mettrai de longues heures à retrouver mes esprits. Notre marche était pourtant pacifique, ce qui rend encore plus scandaleux et inacceptable l’assassinat d’Elisabeth Nwanda.

Pour tous nos martyrs et pour le Gabon, je continuerai humblement et obstinément à lutter contre le monstrueux système Bongo/PDG.

Dr Alphonse Louma-Eyougha
Contact : loumaeyougha@yahoo.fr

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire